Les entreprises aéronautiques françaises face à une pénurie de candidats © Airbus SAS 2016 - Photo by master films / A. DOUMENJOU

Les entreprises aéronautiques françaises face à une pénurie de candidats


Sabine Ortega
| 15/12/2023 | 1619 mots | AEROCONTACT | EMPLOI & CARRIÈRE

Après deux années de crise sanitaire, la filière aéronautique française est en pleine reprise. Les carnets de commandes des constructeurs sont pleins et la demande du transport aérien est en forte hausse et, pourtant, elle peine à recruter en 2023, faute de candidats.

Alors que les entreprises du secteur aéronautique prévoyaient de recruter plus de 25 000 personnes en France rien qu’en 2023 et plus de 100 000 d’ici 2030, celles-ci sont confrontées à une pénurie majeure de candidats. Cette situation devient un frein à la croissance du secteur et à la compétitivité des entreprises françaises. Tour d’horizon des métiers en tension :

La demande de personnes aux compétences techniques pointues, notamment dans les domaines de l’ingénierie, de la maintenance, de la production et de l’IA, s’est accrue ces dernières années.

Dans les métiers techniques tels que les mécaniciens, les soudeurs, les électriciens, les tuyauteurs, les chaudronniers.

Les métiers de production tels que les opérateurs de machines, les opérateurs de ligne, les contrôleurs qualité, les ouvriers d’assemblage, de finition et de montage aéronautique.

Les métiers de maintenance tels que les techniciens de maintenance électrique, avionique, les ingénieurs de maintenance.

Les métiers de l’ingénierie tels que les ingénieurs aéronautiques, les ingénieurs en mécanique, les ingénieurs en électronique, les ingénieurs avioniques.

Les métiers de la cybersécurité et de l’IA tels que Data scientist, Machine learning engineer ou encore Artificial intelligence engineer.

Les pilotes et les PNC - Personnels Navigants Commerciaux.

Selon l’APEC l’Association Pour l'Emploi des Cadres – qui a publié une étude en février 2023 sur les besoins en recrutement dans l'aéronautique française, celle-ci estime qu’il y aurait ainsi 15 000 emplois à pourvoir pour les ingénieurs et les techniciens ; 5 000 emplois pour les ouvriers qualifiés et 5 000 emplois, également, pour les pilotes et le personnel navigant commercial.

Les raisons de la pénurie

Une étude de Pôle emploi révèle que les métiers de l'aéronautique et du spatial sont les plus en tension sur le marché du travail français. En 2023, le taux de vacance des offres d'emploi dans ces secteurs est de 20 %, contre 13 % en moyenne pour l'ensemble des secteurs.

L'aéronautique connaît une pénurie réelle de talents qualifiés, exacerbée par le départ à la retraite des travailleurs plus âgés et l'élargissement du fossé des compétences. Remplacer l'expérience considérable perdue lorsque ces travailleurs partent, représente un défi de recrutement significatif pour les entreprises, quelque soient leur taille.

Aussi, bien que le secteur aéronautique ait besoin de nouveaux talents, les formations disponibles ne sont pas toujours adaptées aux besoins de ses entreprises. Et, le secteur aéronautique souffre de son manque d’attractivité car il est perçu comme un secteur difficile et exigeant, dissuadant, ainsi, certain.e.s candidat.e.s.

La concurrence d’autres secteurs comme la Tech (l’informatique et le numérique), sont plus attractifs pour les jeunes diplômés peu enclins aux travaux manuels.

Problèmes d'attractivité des PME et des ETI

Les PME et les ETI aéronautiques font face à plusieurs défis majeurs en matière de recrutement de talents, notamment liés aux particularités de l'industrie et à l'environnement économique global.

Les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) ont souvent du mal à attirer des talents en raison de leur manque d'attractivité par rapport aux grandes entreprises du secteur, telles qu'Airbus, Dassault, MBDA, Thales et Safran. Ces dernières sont souvent plus attractives pour les jeunes talents, notamment en raison de leur image de marque-employeur plus développée.

L'objectif de l'industrie aérospatiale d'atteindre des émissions nettes nulles d'ici 2050 présente des défis technologiques et financiers. Les PME peuvent avoir du mal à attirer des talents dans ce contexte de transition vers des technologies plus vertes, notamment en raison des investissements importants requis pour la recherche et le développement de nouvelles technologies.

Ces défis combinés créent un environnement complexe pour les PME aéronautiques, rendant difficile le recrutement et la rétention de talents qualifiés, indispensables à la croissance et à la compétitivité dans ce secteur.

Perturbations de la chaîne d’approvisionnement et pression sur les coûts opérationnels 

Les entreprises aéronautiques, y compris les PME, sont affectées par des retards d'expédition, des pénuries de matières premières et des prix fluctuants. Ces perturbations de la chaîne d'approvisionnement impactent l'industrie dans son ensemble, y compris le recrutement et la rétention des talents.

L'invasion de l'Ukraine par la Russie a entraîné une hausse des prix du carburant, affectant fortement le secteur aéronautique. Avec des coûts de carburant élevés et volatils, les entreprises doivent allouer davantage de fonds pour le carburant, ce qui peut limiter leurs ressources pour d'autres domaines y compris le recrutement et la croissance globale.

Des solutions ?

Pour remédier à la pénurie de profils qualifiés, les entreprises du secteur aéronautique doivent prendre des mesures pour attirer et former les talents dont elles ont besoin. Ainsi, il est nécessaire de :

Développer la formation : les entreprises doivent travailler plus étroitement avec les écoles, les centres et les universités pour développer des programmes de formation adaptés aux besoins du secteur.

Renforcer leur attractivité et revaloriser les métiers manuels : les entreprises doivent mettre en avant l’importance de ces métiers pour la sécurité des vols et leur caractère innovant.  Elles doivent, également, offrir des conditions de travail attractifs comme des perspectives de carrières intéressantes, des avantages sociaux et des salaires compétitifs.

Diversifier leurs sources de recrutement : les entreprises doivent s’ouvrir à de nouveaux profils, notamment les personnes en reconversion professionnelle ou les salariés issus d’autres secteurs ou encore, aux profils sans formation initiale ou continue.

Ces mesures permettraient de répondre aux besoins des entreprises du secteur et garantir ainsi, leur compétitivité sur le long terme.

Prévisions pour 2024

Selon le groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS) le secteur prévoit de recruter 35 000 nouveaux salariés, dont 20 000 ingénieurs et techniciens en 2024. Soit une hausse de 33% par rapport à 2023.

Ces recrutements sont motivés par plusieurs facteurs dont la reprise du trafic aérien, qui devrait être de 100 % de son niveau d'avant crise en 2024 ; les besoins de développement de nouveaux produits et technologies, notamment dans le domaine du vol électrique et du développement durable -on pense à la décarbonation- et, conséquemment, par la croissance des activités de maintenance et de réparation.

Les besoins de recrutement sont plus importants dans certaines régions que dans d'autres. La région Île-de-France est la première région pour l'emploi dans la filière aéronautique, avec environ 30 000 postes à pourvoir. Les autres régions qui recrutent le plus sont l’Auvergne-Rhône-Alpes avec 25 000 postes ; l’Occitanie avec 22 000 et, enfin, la Nouvelle-Aquitaine avec 10 000 postes.

Quant à la répartition des besoins par métiers, en 2024, le GIFAS chiffrent 50 000 postes à pourvoir dans la production ; 30 000 postes dans l’ingénierie ; 20 000 pour ce qui est de la maintenance ; 10 000 dans le commerce et marketing et enfin 5 000 postes dans l’administration.

La résolution de la pénurie de candidat.e.s est un enjeu majeur pour la filière aéronautique française et les entreprises ont les moyens de relever ce défi en mettant en place des actions à court et à long terme afin de permettre au secteur de poursuivre sa croissance et de rester compétitif à l'échelle internationale.


 

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